C'est par son scepticisme si particulier consistant a se mefier avec raison des deviations de la raison que Hans Blumenberg (1920-1996) est entre en emigration interieure. Une emigration qui, apres 1945, a refuse une certaine Allemagne ; celle de Heidegger et de Gadamer, de Holderlin lu par eux, l'Allemagne de Junger le " grand ecrivain " et de Carl Schmitt le " grand juriste ". Or l'emigration interieure est un acte de resistance, et celui qui prend cette voie est assure d'ecrire du fond des tenebres - de profundis ! C'est aussi ce qui donne a l'?uvre de Blumenberg sa profondeur unique, on le verra dans ce livre-ci comme dans tous les autres qui seront un jour traduits. Ainsi sa solitude aussi est-elle relative : " Elle seule, la philosophie, ecrit Blumenberg, permet de comprendre ce quelque chose qui, sans elle, nous ferait face comme etant de part en part inconnu et... unheimlich. Que voulions-nous savoir ? pourrait etre la question traitee dans ce livre-ci, la question qui s'est glissee, depuis les deux siecles qui nous separent de la Critique de la raison pure de Kant, a la place de sa question fondamentale : Que pouvons-nous savoir ? Il est permis de supposer que les deceptions dans la quete du savoir valent aussi d'etre etudiees, parce que leur indetermination qui ronge represente un moment de tonalites historiques fondamentales sur une echelle qui va de la resignation jusqu'a la colere contre le monde. Qu'etait-ce donc que le savoir semblait proposer, quelles promesses representait-il ? Comment le monde devait-il, aurait-il du se presenter, si l'incertitude a son egard ne devait plus engendrer le malaise ? Ce sont la des questions qui ressemblent a des choses que nous aurions presque oubliees. Elles ont ete profondement enfouies comme ce qui ne saurait plus avoir d'importance. La " metaphorologie est un procede pour debusquer les traces de tels desirs, de telles exigences, qu'il est inutile de qualifier de refoulees pour les trouver interessantes. Meme des attentes qui n'ont pas ete comblees et qui ne le seront sans doute jamais sont des faits et des facteurs historiques, des incitations pour des seductions qui se reconstruisent constamment, jusqu'au delirant vogliamo tutto ! Le desir souterrain, qui n'a pas ete comble, d'une experience du monde plus intense, se donne alors des maitres exotiques. Le theme de la Lisibilite du monde ne permet de traiter que des episodes. Mais que quelque chose reste un episode ne suffit pas encore a lui donner tort. L'obstination avec laquelle certaines choses reviennent et s'inventent leurs metamorphoses donne davantage a penser que la stabilite avec laquelle d'autres choses se contentent de simplement rester la. Mais ce qui est en jeu aussi, ce sont les risques de folie prepares par ce qui revient et tient a disposition son energie desirante pour le moment historique opportun : alors apparait comme futur tangible ce qui ne peut pourtant etre que le correctif d'un present. Pourtant un desir ne devient pas encore insense du seul fait que l'on ne saurait le prendre pour la promesse d'un accomplissement possible. Voila pourquoi le complexe metaphorique de la Lisibilite du monde est aussi un fil d'Ariane de la lucidite.
Pour explorer ces questions, ce livre analyse les différentes théories formulées en un long Moyen Âge, qui va d’Augustin au Concile de Trente. Les concepts de trace, de symbole, de ressemblance, d’image mentale, de figure matérielle construisent, dans une confrontation permanente avec la parole et l’écriture, les structures souples mais cohérentes de la représentation. Objets de mémoire et de récit, de méditation et de visualisation, d’usage et de vénération, les images appartiennent alors à une histoire des formes de la vérité.
Pourtant les penseurs médiévaux admettent aussi que l’essentiel (la pensée et le divin) est invisible pour les yeux. Ils orientent l’image vers ce qui la dépasse. Travaillée par l’opposition entre ressemblance et non-figuration, la doctrine de l’image enchaîne ainsi conflits et crises.
Au cours de cette histoire tumultueuse, l’art, la politique et la théologie s’entrecroisent. Et peu à peu s’affirment la visibilité de Dieu, l’exaltation du contemplateur, et la souveraineté de l’artiste – le triomphe du visible, si proche de notre modernité.
L’image médiévale n’appartient donc pas seulement aux historiens d’art, elle nous donne aussi à penser.
Olivier Boulnois est directeur d’études à l’École pratique des hautes études.1,540/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001958756
ARTISTE ET LE PHILOSOPHERassemblant les contributions d'historiens de l'art et de philosophes, l'ambition de cet ouvrage est de réinterroger le modèle qu'a constitué le discours philosophique pour l'art et la théorie de l'art au XVIIe siècle. Quels sont les emprunts (ou les oublis), les choix et les découpes opérés entre les deux champs ? Quels sont les modes et les formes d'appropriation d'un discours par l'autre ? Dans quelle mesure les principes, règles et raisons qui organisent la pratique artistique peuvent-ils valoir comme théorie de l'art ? L'effort théorique peut-il être considéré comme une alternative ou un substitut à la pensée philosophique ? L'activité artistique est-elle pensée alors comme une forme d'activité cognitive, parallèle à la philosophie ? Quelle est la place de l'illustration, des images et des théories de l'image dans la philosophie de l'époque moderne ? Quelle est la validité du modèle du Peintre-Philosophe ? Enfin, sous-tendant l'ensemble de ces contributions, de quelle écriture et de quels outils dispose l'histoire de l'art contemporaine pour penser les enjeux philosophiques et théoriques de ses objets d'études ?1,100/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001956149
DIDEROT. DU MATERIALISME A LA POLITIQUEL'œuvre de Diderot se présente comme un tout paradoxalement inachevé, ouvert et changeant. C'est à cet univers d'une pensée gambadant de préoccupations métaphysiques au commentaire de l'actualité politique, entre romans, dialogues, articles, réfutations, correspondances, que nous introduit Colas Duflo. Le Diderot en mouvement, philosophe autant qu'écrivain, penseur par fictions autant que par concepts, promoteur de la diffusion publique des vérités et expert en jeux avec la censure, revit ici en pleine lumière. Rétive à tout système, sa pensée offre une cohérence subtile. Matérialisme, moi multiple, critique de l'illusion de la liberté : tels sont quelques-uns des points forts qui traversent toute l'œuvre. Comme le lecteur actif auquel s'adresse Diderot, Colas Duflo relie tous les éléments éclatés, de la philosophie à l'anthropologie, de la philosophie politique à la méditation sur la civilisation, et révèle une œuvre d'une rare et saisissante présence, d'une exubérante liberté.550/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955534
PHILOSOPHIE DES PORNOGRAPHES - LES AMBITIONS PHILOSOPHIQUES DU ROMAN LIBERTINDéculpabilisation du plaisir, défense comme « naturelles » de conduites sexuelles condamnées par l’Église, affirmation qu’une sexualité libre est compatible avec une vie honnête et la favorise même : ces thèses ont été au cœur d’une nouvelle morale, promue par les penseurs les plus audacieux des Lumières, fondée sur la raison plutôt que sur la Révélation. Or l’importance des romans libertins et pornographiques dans l’élaboration et la diffusion de ces idées a été méconnue. Dom Bougre, Thérèse philosophe, Les Bijoux indiscrets, Juliette ou Le Rideau levé… ces textes, massivement distribués sous le manteau, mettent en oeuvre une philosophie narrative où se mêlent la lasciveté des scènes et l’énergie des raisonnements métaphysiques. Entre deux ébats, on disserte sur les dangers de l’intolérance religieuse, on montre les conséquences libératrices du matérialisme ou de l’athéisme, et les vertus du « spinozisme ». Et, bien souvent, on entend ici, pour la première fois, la voix des femmes.
Colas Duflo montre comment cette littérature clandestine, aussi scandaleuse par les scènes qu’elle décrit que par les questions philosophiques qu’elle pose, a frayé la voie à des valeurs qui sous-tendent nos sociétés modernes : des libertés et une tolérance dont on aurait tort de croire qu’elles vont de soi, tant elles font régulièrement face à des vagues régressives et répressives.
Colas Duflo, professeur à l’université Paris-Nanterre, est spécialiste de la philosophie et de la littérature du XVIIIe siècle. Il est notamment l’auteur de Diderot philosophe (Champion classiques), Diderot. Du matérialisme à la politique (CNRS Éditions) et Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle (CNRS Éditions).1,270/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955509