Il faut un commencement tout", dit la sagesse populaire, et elle ne doute pas que les commencements existent et qu'on peut les apprhender sans peine. Pierre Gibert impose ici une vidence exactement contraire: les commencements chappent la conscience comme la reconstitution. Que ce soit en psychanalyse, en histoire, en physique, en littrature, en religion..., toujours les commencements sont raconts, dcrits, dclars et interprts aprs coup. Et puisqu'il faut bien parler des dbuts, les hommes ont invent des moyens littraires: "II tait une fois... ", "En ce temps-l... ", "Au commencement... " et bien d'autres "ouvertures" ; mais surtout ils ont cr des mythes et des rcits "de commencement", dont les premiers chapitres de la Bible sont, dans la culture occidentale, le texte emblmatique. Ce ne sont pas des rcits neutres: leur fonction idologique, doctrinale, philosophique, biographique et autobiographique est immense. En tout cas, aprs ce livre, on ne pourra plus dire comme Racine dans Les Plaideurs: "Ce que je sais le mieux, c'est mon commencement"!
Pierre Gibert, exgte biblique, est l'auteur au Seuil de Bible, Mythes et Rcits de commencement (1986), un livre rimprim puis puis.
DU COMMENCEMENT ET DE SON IMPOSSIBLE CONSCIENCE
Autour du " trou noir " : le vocabulaire
Raconter, écrire : comment commencer ?
Scène originaire, scène primitive
Amour de la langue, langage d'amour : l'"initialité " maternelle
DES ORIGINES ABSOLUES
" Au commencement, il y eu une explosion "
La loi du " récit ", au commencement absolu
Des origines de la vie à l'apparition de l'homme
Le champ du mythe
Question ou réponse mythique ? Retour à Adam et Eve
Indéfinis recommencements
Pour un adieu aux commencements absolus ?
RACONTER EN HISTOIRE
Les ancêtres de la nation
Un inévitable retour au mythe ?
Sans commencement : l'immémorial
Révélation psychogénéalogique et " légende familiale "
Pour explorer ces questions, ce livre analyse les différentes théories formulées en un long Moyen Âge, qui va d’Augustin au Concile de Trente. Les concepts de trace, de symbole, de ressemblance, d’image mentale, de figure matérielle construisent, dans une confrontation permanente avec la parole et l’écriture, les structures souples mais cohérentes de la représentation. Objets de mémoire et de récit, de méditation et de visualisation, d’usage et de vénération, les images appartiennent alors à une histoire des formes de la vérité.
Pourtant les penseurs médiévaux admettent aussi que l’essentiel (la pensée et le divin) est invisible pour les yeux. Ils orientent l’image vers ce qui la dépasse. Travaillée par l’opposition entre ressemblance et non-figuration, la doctrine de l’image enchaîne ainsi conflits et crises.
Au cours de cette histoire tumultueuse, l’art, la politique et la théologie s’entrecroisent. Et peu à peu s’affirment la visibilité de Dieu, l’exaltation du contemplateur, et la souveraineté de l’artiste – le triomphe du visible, si proche de notre modernité.
L’image médiévale n’appartient donc pas seulement aux historiens d’art, elle nous donne aussi à penser.
Olivier Boulnois est directeur d’études à l’École pratique des hautes études.1,540/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001958756
DIDEROT. DU MATERIALISME A LA POLITIQUEL'œuvre de Diderot se présente comme un tout paradoxalement inachevé, ouvert et changeant. C'est à cet univers d'une pensée gambadant de préoccupations métaphysiques au commentaire de l'actualité politique, entre romans, dialogues, articles, réfutations, correspondances, que nous introduit Colas Duflo. Le Diderot en mouvement, philosophe autant qu'écrivain, penseur par fictions autant que par concepts, promoteur de la diffusion publique des vérités et expert en jeux avec la censure, revit ici en pleine lumière. Rétive à tout système, sa pensée offre une cohérence subtile. Matérialisme, moi multiple, critique de l'illusion de la liberté : tels sont quelques-uns des points forts qui traversent toute l'œuvre. Comme le lecteur actif auquel s'adresse Diderot, Colas Duflo relie tous les éléments éclatés, de la philosophie à l'anthropologie, de la philosophie politique à la méditation sur la civilisation, et révèle une œuvre d'une rare et saisissante présence, d'une exubérante liberté.550/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955534
PHILOSOPHIE DES PORNOGRAPHES - LES AMBITIONS PHILOSOPHIQUES DU ROMAN LIBERTINDéculpabilisation du plaisir, défense comme « naturelles » de conduites sexuelles condamnées par l’Église, affirmation qu’une sexualité libre est compatible avec une vie honnête et la favorise même : ces thèses ont été au cœur d’une nouvelle morale, promue par les penseurs les plus audacieux des Lumières, fondée sur la raison plutôt que sur la Révélation. Or l’importance des romans libertins et pornographiques dans l’élaboration et la diffusion de ces idées a été méconnue. Dom Bougre, Thérèse philosophe, Les Bijoux indiscrets, Juliette ou Le Rideau levé… ces textes, massivement distribués sous le manteau, mettent en oeuvre une philosophie narrative où se mêlent la lasciveté des scènes et l’énergie des raisonnements métaphysiques. Entre deux ébats, on disserte sur les dangers de l’intolérance religieuse, on montre les conséquences libératrices du matérialisme ou de l’athéisme, et les vertus du « spinozisme ». Et, bien souvent, on entend ici, pour la première fois, la voix des femmes.
Colas Duflo montre comment cette littérature clandestine, aussi scandaleuse par les scènes qu’elle décrit que par les questions philosophiques qu’elle pose, a frayé la voie à des valeurs qui sous-tendent nos sociétés modernes : des libertés et une tolérance dont on aurait tort de croire qu’elles vont de soi, tant elles font régulièrement face à des vagues régressives et répressives.
Colas Duflo, professeur à l’université Paris-Nanterre, est spécialiste de la philosophie et de la littérature du XVIIIe siècle. Il est notamment l’auteur de Diderot philosophe (Champion classiques), Diderot. Du matérialisme à la politique (CNRS Éditions) et Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle (CNRS Éditions).1,270/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955509
Les éditeurs de Kehl avaient placé le corpus théâtral de Voltaire en tête de l’édition. Pourtant, aujourd’hui, par un curieux déplacement générique, l’actualité théâtrale de Voltaire passe plutôt par la mise en scène de ses contes. Candide, surtout, ne cesse de susciter de nouvelles productions scéniques. Malgré la désaffection dont souffre le théâtre de Voltaire, sa production théâtrale intéresse plus que jamais les chercheurs. Les Journées Voltaire de 2021 ont ainsi été consacrées aux « Scènes de Voltaire : entre la Cour et la ville ». L’approche choisie induit en effet un questionnement sociologique tout autant que politique, redoublant en creux la cartographie dramatique du côté cour, côté jardin. Les chercheuses et de chercheurs interrogent ici collectivement la production voltairienne pour les scènes, privées et publiques, de Versailles, de Paris et des provinces, mais aussi des colonies. Pas moins de seize contributions renouvellent la compréhension des logiques esthétiques et dramaturgiques du théâtre voltairien dans leur genèse comme dans leur appréciation à travers les époques, la réception de ce théâtre, tant par des publics contemporains que plus tardifs, étant, pour l’auteur de Zaïre plus que pour tout autre peut-être, indissociable de son processus créatif.
Pour cette nouvelle livraison de la Revue Voltaire, les Varia proposent deux articles qui font état de recherches au long cours : Vladimir A. Somov, chercheur au Conservatoire national de Saint-Pétersbourg, livre la seconde partie de son enquête sur « L’édition Kehl en Russie », analysant cette fois les stratégies de la censure impériale face à l’arrivée des livres édités par la Société littéraire et typographique fondée par Beaumarchais. John Iverson, spécialiste des questions de tolérance et de religion chez Voltaire, poursuit son enquête à partir des manuscrits de Saint-Pétersbourg relatifs à l’affaire La Barre.1,600/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955494