Comme le De Revolutionibus de Nicolas Copernic (1543), l'Astonomia Nova de Johannes Kepler (1609) est un livre sans fioritures, écrit pour les seuls mathématiciens. En plus d'une technicité déjà assez rébarbative, l'ouvrage n'épargne au lecteur aucun détail d'une recherche émaillée de revers de fortune et d'hypothèses sans lendemain. Mais ceux qui ont eu le courage de le lire ont pu être les témoins d'une victoire inouïe, et d'une mutation radicale de la science astronomique devenue « physique céleste ». Tous les mouvements célestes sont désormais démontrés par leur cause physique : une vertu motrice émanée du soleil, cœur et vrai centre du monde. L'Astronomia Nova assure donc le triomphe de la théorie copernicienne, contre Aristote, Ptolémée, Tycho Brahé et d'autres. Elle va même plus loin : en renonçant au principe du mouvement circulaire uniforme ― la première des deux lois découvertes dans cet ouvrage définit la trajectoire elliptique des planètes ―, elle ouvre un horizon nouveau à ce qu'on appellera bientôt la « mécanique céleste ». Toutes les contributions réunies dans ce volume concourent à jeter un éclairage nouveau sur une œuvre qui a aussi contribué à redéfinir les critères de la scientificité et l'objet même du savoir à l'époque moderne : en ruinant la théorie aristotélicienne des moteurs célestes, l'Astronomia nova a porté un coup fatal à la définition traditionnelle de la métaphysique, en sa dimension thé(i)ologique, comme science des substances immobiles et séparées. C'est dire qu'en dépit d'un propos à la fois très technique et circonscrit, l'œuvre de l'astronome impérial a ébranlé les bases sur lesquelles reposait tout l'édifice du savoir au seuil de l'époque moderne. Au-delà de son public savant et mathématicien, l'œuvre intéresse donc ― ou devrait intéresser ― tous ceux qui veulent savoir ce que c'est que savoir.
Édouard Mehl, ancien élève de l'École Normale Supérieure (Fontenay-Saint-Cloud), est maître conférences à l'Université de Strasbourg.
LES SACCAGEURS DE L'ESPACELa révolution du " New Space ", célébrée pour avoir remis l'aventure spatiale au goût du jour après des décennies d'errement, c'est avant tout de nouveaux principes empruntés du Far West en vertu de la devise du " premier arrivé, premier servi ". C'est une puissance publique à la traîne, peinant à imposer ses règles face à des entrepreneurs sans scrupules. Ce sont des satellites déployés par dizaines de milliers en orbite basse, au mépris des risques de saturation et de collisions entre objets spatiaux ou d'une dégradation des conditions d'observation du ciel. C'est une glorification du tourisme spatial, lubie absurde dans le contexte de crise généralisée que nous connaissons. C'est une escalade à l'armement d'un nouveau genre, qui n'est pas pour apaiser les tensions sur Terre. Ce sont enfin des fantasmes d'exploitation de ressources extra-atmosphériques, n'ayant d'autre effet que de détourner notre regard de l'urgence de prendre soin de notre planète. Autrefois perçue comme une noble entreprise, l'aventure spatiale se démocratise et laisse la place aux ambitions les plus voraces et décomplexées, celles-là mêmes qui ont provoqué tant de dégâts à la surface de la Terre. Qui sont les nouveaux saccageurs de l'espace mus par des intérêts essentiellement personnels ? Le livre de Raphaël Chevrier offre un panorama complet des problématiques liées à l'exploration spatiale aujourd'hui. 1,080/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2312271391001