Ce commentaire continu du De unitate intellectus contra averroistas de saint Thomas d'Aquin a deux objectifs: faciliter la compréhension d'une des œuvres majeures du XIIIe siècle, proposer les éléments d'une généalogie du sujet remontant en deçà de l'"entrée " officielle de la subjectivité dans la métaphysique et la psychologie modernes à l'Âge classique. Rédigée à Paris, en 1270, l'œuvre est tout entière consacrée à la réfutation de la psychologie philosophique d'Averroès (m. 1198) et de ses disciples latins, dont la thèse fondamentale est que le sujet de la pensée n'est pas l'homme, mais une substance, l'intellect, séparée du corps, "qui n'est pas forme du corps et est unique pour tous les hommes ". Contre ce que Leibniz appellera le "monopsychisme averroïste ", Thomas engage une triple critique: philologique et exégétique, historico-philosophique, philosophique ou conceptuelle, mariant par là les cieux cultures du commentaire et de l'argument. Texte de philosophe, le De unitate n'est pas sans portée théologique: commencée sur le terrain de l'exégèse d'Aristote, la polémique antiaverroïste s'achève sur celui de la foi, du "conflit (les Facultés" et des interventions du Magistère pour limiter l'autonomie de la réflexion philosophique (condamnations de 1270 et de 1277). On trouvera ici tous les aspects du dossier. Chacun des cent vingt paragraphes qui composent l'ouvrage est analysé dans son argumentation et contextualisé dans son contenu. Contre Averroès et les averroistac, Thomas invoque les " Grecs " et les "Arabes", Alexandre d'Aphrodise, Théophraste, Thémistius, Avicenne, Ghazali: on restitue ici leurs thèses. Il multiplie objections et analyses conceptuelles: on les suit, les explique ou les discute pas à pas. Au-delà de la déconstruction du mythe historiographique réduisant l'averroïsme a l'affirmation, fascinante mais inauthentique, que l'homme ne pense pas, c'est une histoire de la philosophie de l'esprit (body-mind problem) antique et médiévale qui est ici proposée, avec ses acteurs, connus ou anonymes, ses corpus, grecs, arabes et latins, ses réseaux de notions et ses complexes constitués de questions et de réponses, selon la méthode d'" archéologie philosophique " adoptée dans La Querelle des universaux, L'art des généralités, La Référence vide et Raison et Foi.
Pour explorer ces questions, ce livre analyse les différentes théories formulées en un long Moyen Âge, qui va d’Augustin au Concile de Trente. Les concepts de trace, de symbole, de ressemblance, d’image mentale, de figure matérielle construisent, dans une confrontation permanente avec la parole et l’écriture, les structures souples mais cohérentes de la représentation. Objets de mémoire et de récit, de méditation et de visualisation, d’usage et de vénération, les images appartiennent alors à une histoire des formes de la vérité.
Pourtant les penseurs médiévaux admettent aussi que l’essentiel (la pensée et le divin) est invisible pour les yeux. Ils orientent l’image vers ce qui la dépasse. Travaillée par l’opposition entre ressemblance et non-figuration, la doctrine de l’image enchaîne ainsi conflits et crises.
Au cours de cette histoire tumultueuse, l’art, la politique et la théologie s’entrecroisent. Et peu à peu s’affirment la visibilité de Dieu, l’exaltation du contemplateur, et la souveraineté de l’artiste – le triomphe du visible, si proche de notre modernité.
L’image médiévale n’appartient donc pas seulement aux historiens d’art, elle nous donne aussi à penser.
Olivier Boulnois est directeur d’études à l’École pratique des hautes études.1,540/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001958756
ARTISTE ET LE PHILOSOPHERassemblant les contributions d'historiens de l'art et de philosophes, l'ambition de cet ouvrage est de réinterroger le modèle qu'a constitué le discours philosophique pour l'art et la théorie de l'art au XVIIe siècle. Quels sont les emprunts (ou les oublis), les choix et les découpes opérés entre les deux champs ? Quels sont les modes et les formes d'appropriation d'un discours par l'autre ? Dans quelle mesure les principes, règles et raisons qui organisent la pratique artistique peuvent-ils valoir comme théorie de l'art ? L'effort théorique peut-il être considéré comme une alternative ou un substitut à la pensée philosophique ? L'activité artistique est-elle pensée alors comme une forme d'activité cognitive, parallèle à la philosophie ? Quelle est la place de l'illustration, des images et des théories de l'image dans la philosophie de l'époque moderne ? Quelle est la validité du modèle du Peintre-Philosophe ? Enfin, sous-tendant l'ensemble de ces contributions, de quelle écriture et de quels outils dispose l'histoire de l'art contemporaine pour penser les enjeux philosophiques et théoriques de ses objets d'études ?1,100/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001956149
DIDEROT. DU MATERIALISME A LA POLITIQUEL'œuvre de Diderot se présente comme un tout paradoxalement inachevé, ouvert et changeant. C'est à cet univers d'une pensée gambadant de préoccupations métaphysiques au commentaire de l'actualité politique, entre romans, dialogues, articles, réfutations, correspondances, que nous introduit Colas Duflo. Le Diderot en mouvement, philosophe autant qu'écrivain, penseur par fictions autant que par concepts, promoteur de la diffusion publique des vérités et expert en jeux avec la censure, revit ici en pleine lumière. Rétive à tout système, sa pensée offre une cohérence subtile. Matérialisme, moi multiple, critique de l'illusion de la liberté : tels sont quelques-uns des points forts qui traversent toute l'œuvre. Comme le lecteur actif auquel s'adresse Diderot, Colas Duflo relie tous les éléments éclatés, de la philosophie à l'anthropologie, de la philosophie politique à la méditation sur la civilisation, et révèle une œuvre d'une rare et saisissante présence, d'une exubérante liberté.550/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955534
PHILOSOPHIE DES PORNOGRAPHES - LES AMBITIONS PHILOSOPHIQUES DU ROMAN LIBERTINDéculpabilisation du plaisir, défense comme « naturelles » de conduites sexuelles condamnées par l’Église, affirmation qu’une sexualité libre est compatible avec une vie honnête et la favorise même : ces thèses ont été au cœur d’une nouvelle morale, promue par les penseurs les plus audacieux des Lumières, fondée sur la raison plutôt que sur la Révélation. Or l’importance des romans libertins et pornographiques dans l’élaboration et la diffusion de ces idées a été méconnue. Dom Bougre, Thérèse philosophe, Les Bijoux indiscrets, Juliette ou Le Rideau levé… ces textes, massivement distribués sous le manteau, mettent en oeuvre une philosophie narrative où se mêlent la lasciveté des scènes et l’énergie des raisonnements métaphysiques. Entre deux ébats, on disserte sur les dangers de l’intolérance religieuse, on montre les conséquences libératrices du matérialisme ou de l’athéisme, et les vertus du « spinozisme ». Et, bien souvent, on entend ici, pour la première fois, la voix des femmes.
Colas Duflo montre comment cette littérature clandestine, aussi scandaleuse par les scènes qu’elle décrit que par les questions philosophiques qu’elle pose, a frayé la voie à des valeurs qui sous-tendent nos sociétés modernes : des libertés et une tolérance dont on aurait tort de croire qu’elles vont de soi, tant elles font régulièrement face à des vagues régressives et répressives.
Colas Duflo, professeur à l’université Paris-Nanterre, est spécialiste de la philosophie et de la littérature du XVIIIe siècle. Il est notamment l’auteur de Diderot philosophe (Champion classiques), Diderot. Du matérialisme à la politique (CNRS Éditions) et Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle (CNRS Éditions).1,270/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2407001955509