La conquête de l'objectivité est une avancée théorique de l'Occident. C'est à penser sa possibilité que s'est attachée la philosophie ; c'est elle qui a permis le succès vérifié de la science; c'est à sa représentation que s'est vouée passionnément, y quêtant l'illusion du vrai, la peinture classique. Mais cette construction rationnelle de l'objet n'a-t-elle pas enseveli d'autres possibilités de cohérence ressurgissant génialement, par effraction, notamment dans la peinture moderne et dans la poésie ? C'est au désenfouissement d'une telle intelligence qu'invitent de leur côté, en toute sérénité, les Arts de peindre de la Chine ancienne que nous abordons ici: en traitant d'une image qui ne se laisse pas cantonner dans l'exiguïté de la forme, mais se transforme par respiration du vide et du plein, et écrit dans les polarités du paysage l'incitation qui tend la vie.
François Jullien. Philosophe et sinologue, professeur à l'université Paris 7-Denis-Diderot et membre de l'Institut universitaire de France, directeur de l'Institut de la pensée contemporaine. Ses ouvrages sont traduits dans une vingtaine de pays.
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