
Sur le mur, la robe est accroche comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu'importe, c'est le jour d'Anna. Aujourd'hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de ct mes penses de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffe, bien maquille, souriante, prte des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, pare pour butiner d'invit en invite, mre parfaite que je serai aujourd'hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue.
Je marie ma fille, aujourd'hui. Cette phrase bondit dans ma tte tandis que je la regarde dormir. J'ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd'hui. J'ai soudain l'impression d'tre sortie de mon corps, de flotter au-dessus d'Anna endormie et de moi-mme, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m'arriver, pas moi. J'aurais souhait tre sage le jour du mariage de ma fille...
Pendant la noce d'Anna, sa mre se souvient. De la jeune femme qu'elle a t, si diffrente de sa fille aujourd'hui, de ses rves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu'elle en a encore, des envies, cette femme clibataire qui marie sa fille... Pendant la noce, l'enfance d'Anna resurgit avec le souvenir du pre, de l'absent, de l'inconnu... Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.