A première vue, Friedrich Nietzsche et Cesare Pavese n'ont
rien en commun. Et pourtant : tous deux sont orphelins de père, tous deux ont
grandi dans un entourage exclusivement féminin, tous deux n'ont jamais su se
faire aimer d'une femme, tous deux ont eu une vie brève, solitaire et émouvante.
Et puis, tous deux ont été inspirés par Turin, et son atmosphère terriblement "psychique".
De cette ville, qui fut un temps la capitale de l'Italie, Nietzsche n'a dit que
l'abord exaltant, aristocratique et baroque, tandis que Pavese en a recraché
toute la tristesse, avec ses quartiers industriels, ses usines qui noircissent
le ciel, ses ouvriers exténués. C'est à Turin que Nietzsche perd la raison : il
a quarante-quatre ans. Et c'est à Turin que Pavese se suicide dans une chambre
d'hôtel : il a quarante-deux ans. Le philosophe allemand meurt le 25 août 1900,
l'écrivain piémontais un demi-siècle plus tard, à un jour près, le 26 août 1950.
En cherchant des rapprochements entre ces deux artistes, ces deux
jusqu'au-boutistes de la mélancolie, l'auteur se glisse dans leur drame, dans
les blessures inguérissables de leur enfance. Il fait revivre les événements
tragiques qui les ont conduits l'un à la folie, l'autre au suicide. Ce livre,
s'il respire la gravité, est d'abord une rêverie, une suite de détours et de
coïncidences. Les murs de Turin y transpirent. Ils parlent. Il fallait bien près
de trois cents dessins pour faire entendre ces voix.
Frédéric Pajak est né en 1955 dans les Hauts-de-Seine. Il vit
et travaille à Paris. Il a publié des ouvrages, souvent écrits et dessinés, dont
: Le Chagrin d'amour, Humour - une biographie de James Joyce, Nietzsche et son
père, Nervosité générale, Mélancolie, aux Presses Universitaires de France ; La
Guerre sexuelle, j'entends des voix, Autoportrait et Contre tous, chez Gallimard
; avec Lea Lund, L'Etrange Beauté du monde et En souvenir du monde, aux éditions
Noir sur Blanc. Depuis 2002, il dirige la collection "Les Cahiers dessinés".
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