Comme dans les panegyriques de l’antiquite le plan en est subtil, des facettes du genie sont abordees faussement et seulement en apparence contre la chronologie : maturites, le geometre, curiosites, l’engage, posterites, le voyageur, affinites, l’enfant, sensualites, le Belvedere. Quel raffinement en chiasme des titres de chapitres ! Raffinement de l’ecriture et de la sensibilite a l’ecoute des pieces raveliennes. Sans que l’on s’en apercoive, toute la biographie de l’auteur est repensee, reorganisee a l’impact de ses ?uvres et parfois aux impressions delicates et emues de notre auteur-journaliste, en quete de l’auteur aime.
Peu importe si le Bolero est commente deux fois : la partition est abordee sous deux approches differentes, a la maniere des poemes medievaux ; la redondance est lyrique et quasi cinematographique. Nous ne sommes pas la dans l’analyse prosaique des rapports de l’auteur avec ses proches ; ce n’est pas un livre d’historien moderne mais d’amateur (au sens ancien), d’orateur, un panegyrique onirique. Un exemple parmi d’autres de ce Ravel pour la posterite : touchant a la sexualite de l’homme, notre jeune ecrivain repond par la sensibilite de l’?uvre, sa volupte, mettant le doigt sur le fait (disons en une image ravelienne sur la ? peau ?) qu’il n’y a pas plus parlant a tous et en meme temps plus tacite sur les teneurs originelles. Et voici ce qu’est la sexualite de Ravel : ? ce n’est pas tant la septieme mineure que Ravel cherira mais bien la cristalline septieme majeure ?. Rendons grace a David Sanson de respecter le genie qui a voulu garder secret le mystere de ses effusions personnelles !
Et tout le livre, en compagnie du maitre reve et sublime, collectionne cette succession d’ombres chinoises ou de bibelots tant prises par le solitaire esseule parfaitement accordee a la citation d’Arbie Orenstein ? Si on entend par sens de la vie, la facon dont on passe son temps entre deux eternites, alors sa signification ultime pour Ravel etait de creer une musique aussi parfaite, aussi polie et aussi belle qu’il pouvait. Telle etait sa passion, et meme son obsession ?. Le panegyriste invite a se plonger dans le labyrinthe des relations de Ravel aux etres et au monde, pour decouvrir des couleurs nouvelles ! Mais il s’arrete sur le seuil de ce monde, comme impuissant a concretiser ce desir qui l’a porte jusque la… surtout parce que Ravel l’a voulu ainsi : son ?uvre, sentimentalement universelle, est issu d’une sensibilite cachee en privee, publiquement devoilee sur la partition. Il ne reste plus qu’a pieusement, avec l’autorisation du gardien, mettre ses doigts sur le clavier de la maison de poupee que s’est bati Ravel pres de Paris, le Belvedere.
Les inconditionnels y verront une breve et delicieuse delectation d’auto souvenirs auditifs ; les neophytes courront vite aux disques judicieusement conseilles a la fin du livre, tant sont dites de bonnes et belles choses sur Ravel dans le temps a peine ecoule d’un trajet SNCF, Paris-Ciboure.