Roger Ferris est a la CIA l'un des responsables de la lutte contre le terrorisme. Il revient d'Irak avec une jambe blessee et une mission en forme de defi : infiltrer le reseau d'un des grands chefs terroristes, connu sous le nom de Suleiman. Son plan reprend l'un des chefs-d'oeuvre mis au point par les services secrets britanniques durant la Seconde Guerre mondiale : inventer un faux officier qui aurait reussi a recruter un agent dans les rangs de l'ennemi pour semer la discorde. Mensonges, faux-semblants, doubles et legendes : Ferris se retrouve embarque dans un dedale inextricable. Il ne trouvera de soutien qu'aupres du si charmant chef des services secrets jordaniens. Mais peut-il lui faire confiance ? Qui trompe qui ? Qui tire les ficelles ?
?Une fiction plus vraie que nature. Les agents de la CIA admirent Ignatius parce qu'il est l'auteur qui comprend le mieux les subtilites de leur metier. Fascinant !?
George Tenet, ancien directeur de la CIA. --Ce texte fait reference a l'edition Broche .
Il fallut presque un mois pour trouver le cadavre ideal. Roger Fends avait pose des exigences tres particulieres : il voulait un homme d'une trentaine d'annees, en bonne condition physique, blond de preference, mais surtout de race blanche. Il ne devait presenter aucun signe evident de maladie ou de traumatisme physique. Aucune blessure par balle non plus. Cela aurait trop complique les choses par la suite. Ferris se trouvait au Moyen-Orient la plupart du temps ; c'est donc son superieur, Ed Hoffman, qui eut a s'occuper des details. Hoffman etait sur qu'aux yeux de ses collegues il etait impensable de s'occuper d'une telle mission sans en referer a une commission parlementaire. Mais il se trouvait aujourd'hui dans l'armee des gens auxquels on pouvait demander quasiment n'importe quoi : Hoffman contacta donc un ambitieux colonel de la section J2 du commandement des operations speciales sur la base aerienne de MacDill, en Floride, qui lui avait deja ete utile au cours de precedentes affaires. H lui expliqua qu'il avait un service a lui demander, un service peu banal, qui plus est. Il fallait qu'on lui trouve un homme de race blanche, d'environ un metre quatre-vingts, d'age moyen, suffisamment muscle pour donner l'impression d'etre un officier traitant, mais pas non plus au point de ressembler a un mercenaire. Le candidat ideal ne devait pas etre circoncis. Et surtout, il fallait qu'il soit mort. Trois semaines plus tard, le colonel denicha un corps dans une morgue du sud de la Floride. Il avait fait appel a un reseau d'officiers en retraite, desormais employes par des entreprises de securite privee, qui ne l'avaient jamais decu. Le cadavre etait celui d'un homme qui s'etait noye en faisant de la planche a voile au large de Naples, en Floride. C'etait un avocat de Chicago en vacances. Il etait en bonne condition physique, les cheveux chatains, ne presentait aucune maladie et possedait un prepuce. Son nom etait James Borden, il etait age de 36 ans au moment du deces. Le corps convenait parfaitement, a l'exception d'un seul detail : dans deux jours, il allait etre incinere dans un funerarium de Highland Park, dans l'Illinois. Il fallait trouver une solution a ce probleme. Hoffman demanda au colonel s'il avait deja monte une operation en sous-main et celui-ci lui repondit que non, mais qu'il ne reculerait devant rien si necessaire. Hoffman entendait rarement ce genre de declarations a la CIA. Us se livrerent donc a un jeu de bonneteau a deux cartes ou les cartes etaient remplacees par des cadavres. L'un des corps fut charge dans la soute d'un avion a Fort Myers et un autre en sortit a O'Hare. Le cercueil etait identique. Mais l'homme qui se trouvait a l'interieur etait desormais un vieux monsieur de 78 ans, ancien cadre des assurances mort d'une crise cardiaque. Le colonel depecha un sous-officier au funerarium de Highland Park afin de s'assurer que personne ne decide au dernier moment d'exposer le corps au public. Us avaient prepare une histoire au cas ou un incident se produirait : une terrible erreur avait ete commise par la compagnie aerienne, qui avait confondu les deux cercueils pendant leur transfert, mais a present il etait trop tard, car l'autre corps avait deja ete incinere a Milwaukee. Ils n'eurent jamais a s'en servir. Le corps de James Borden n'etait pas la perfection, mais il s'en rapprochait. Le haut etait muscle, meme si le ventre commencait un peu a s'affaisser, et il presentait une legere calvitie au sommet du crane. Il apparut qu'un de ses testicules n'etait pas descendu. Plus Hoffman reflechissait a ces imperfections, plus elles lui plaisaient. Elles constituaient la part de realisme humain qui rendrait credible l'ensemble de la supercherie. Un stratageme parfait comporte toujours quelques erreurs. A ce corps, Hoffman rattacha ensuite une legende. James Borden disparut au profit de Harry Meeker. Ils louerent a ce dernier un appartement a Alexandria, en Virginie, et le munirent d'une ligne de telephone fixe et d'un mobile. En utilisant la photographie qui figurait sur le permis de conduire de Borden, etabli dans l'Illinois, ils obtinrent un permis en Virginie, puis un passeport ; un employe des services administratifs se chargea d'imiter les cachets et les visas officiels. Pour la photo du passeport, Sami Azhar, un collegue de Hoffman, s'introduisit dans le site Internet du cabinet de Borden et obtint d'autres photos de lui qui avaient servi aux envois publicitaires. Harry Meeker etait cense travailler a l'Agence americaine pour le developpement international, ils lui obtinrent donc une carte professionnelle de l'USAID. Ils lui firent egalement fabriquer des cartes de visite portant son numero de poste personnel. L'indicatif qui y figurait etait correct - le 712 -, cependant lorsqu'on appelait ce numero, on n'entendait pas la voix d'une veritable secretaire mais celle de quelqu'un qui etait charge de couvrir Meeker. Us attribuerent a Meeker une place de parking sous le Ronald Reagan Building, sur Pennsylvania Avenue, et glisserent dans son portefeuille une carte sur laquelle figurait le numero de la place au cas ou il l'aurait oublie. Jusque-la, rien de bien complique : c'etait le travail habituel auquel se livrait la CIA lorsqu'elle elaborait une couverture. A present, ils devaient faire de Harry Meeker une vraie personne. --Ce texte fait reference a l'edition Broche .
Editorialiste au Washington Post, David Ignatius est l'un des journalistes americains qui connait le mieux la CIA et le Moyen-Orient, ou il fut correspondant au debut des annees 1980. Depuis plus de vingt ans, il frequente cette microsociete de Washington ou gravitent diplomates, agents secrets, congressmen et hauts fonctionnaires federaux, et ou se joue une bonne part des affaires du monde. Autant dire que David Ignatius est un homme tres bien informe. Ce qui donne a ses thrillers un incontestable parfum d'authenticite. Une vie de mensonges, qui parait aujourd'hui en francais, est son sixieme roman. Les agents de la CIA, eclipses dans Le Magnat (2002), y retrouvent la place qu'ils occupaient dans ses premiers livres. Et le Moyen-Orient redevient le centre de gravite de l'intrigue, comme dans les desormais classiques Un espion innocent (1988) et Nom de code : Siro (1992). L'auteur revient donc a ses themes et ses terres de predilection. A ceci pres que le monde a change. Et que les ennemis sont desormais les terroristes islamistes. (Thomas Wieder - Le Monde du 22 juin 2007 ) --Ce texte fait reference a l'edition Broche .
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