La question feminine est une des donnees majeures du siecle, et Alain Etchegoyen rehabilite ici une difference que l'epoque, dans son etourderie, voudrait gommer : " J'aime dans une femme sa douceur : cette peau blanche que le soleil n'a pas encore sechee, cette caresse, en passant au milieu d'une foule, cette epaule qui me rend carnivore, cette joie du visage quand nous nous retrouvons. J'aime ce que, precisement, je ne suis pas, dans cette difference eblouissante et buissonnante. "
Rousseau misogyne ? C'est une reputation que le penseur genevois ne parait pas avoir usurpee. L'inegalite des sexes ? Elle n'est point selon lui "l'ouvrage du prejuge mais de la raison". Paradoxe vivant, la femme est a la fois du cote de la nature et de l'artifice, de la pudeur et de l'illimitation des desirs. C'est d'ailleurs a ce dernier titre qu'elle doit etre dominee. Position etonnante de la part d'un partisan d'une Republique fondee sur des principes de liberte et d'egalite. La question de la femme constitue bel et bien un des plus interessants foyers de tensions et de contradictions de la pensee rousseauiste, et plus largement de toute la philosophie politique moderne. Chez Hobbes comme chez Locke par exemple, l'assujettissement de l'epouse a son mari constitue egalement un des fondements de l'Etat legitime.
Dans Eloge de la feminite, Alain Etchegoyen propose une exploration tres personnelle des paradoxes rousseauistes sur le sexe faible. Le style irritera peut-etre. Les citations non referencees generont sans doute le lecteur scrupuleux. L'ouvrage pourra toutefois avoir la vertu de donner envie de (re)lire Rousseau, Emile ou De l'education, par exemple.
Sur la question du regard des philosophes sur la femme, on lira avec interet : Les Femmes de Platon a Derrida. Anthologie critique. --Emilio Balturi
|