Pour avoir rédigé le Manifeste pour le salut du peuple de Formose, Peng Ming-min - professeur à l'Université nationale de Taiwan après un doctorat en Sorbonne - est arrêté en 1964 par la police militaire, avec les deux autres auteurs, ses étudiants Hsieh Tsung-min et Wei Ting-chao. Formose vit sous la loi martiale. Des milliers de Taiwanais ont été massacrés après les incidents du 28 février 1947 et pendant la «terreur blanche» qui a duré de longues années.
《Le Goût de la liberté》a été rédigé au début d'un exil de 22 ans. En 1970, Peng Ming-min, libéré de prison, sous surveillance, s'échappe vers la Suède, avec l'aide d'Amnesty International. Il enseigne ensuite à l'Université du Michigan. De retour à Formose en 1992, Peng Ming-min sera le candidat de l'opposition à la première élection présidentielle au suffrage universel direct dans le monde chinois.
Interdite pendant vingt années à Taiwan, cette autobiographie y est devenue un texte fondamental de la démocratie, indispensable pour comprendre l'histoire d'une île et de ses 23 millions d'habitants. Les complexités du dialogue actuel entre la République de Chine et la République populaire de Chine - entre Taipei et Pékin – se comprennent mieux en suivant un siècle d'histoire de Taiwan: Formose n'accède au statut de province de l'empire mandchou qu'après l'occupation du nord de l'île par l'escadre de l'amiral Courbet en 1884; puis, abandonnée au Japon comme indemnité de guerre en 1895, elle sera remise à la Chine en 1945.
L'autobiographie de Peng Ming-min coïncide avec les grands évènements de sa génération et les explique : enfance de culture japonaise dan un milieu protestant qui maintient une ferveur nationaliste chinoise mais qui, déçu, va virer vers l'indépendantisme formosan après les massacres de 1947 ; études de littérature française et de droit au Japon où, peu avant le feu atomique sur Nagasaki, Peng Ming-min perd un bras sous les bombardements ; effervescence démocratique confrontée à la redoutable vigilance des multiples services de sécurité de Chiang Kai-shek. Les pacifiques efforts des Taiwanais en faveur de la démocratie, désormais bien implantée, plus encore que leurs précoces succès dans le domaine économique, expliquent la fascination des Chinois du continent pour Ilha Formosa, la « belle île » des cartes anciennes - de l'autre coté du Détroit.