? Le 13 aout 1476, au
large du Portugal, le bateau que commande Christophe Colomb fait naufrage.
Le futur amiral vient d’avoir vingt-cinq ans. Par miracle, il reussit a regagner
la cote et trouve refuge a Lisbonne aupres de son frere cadet, Bartolome. Lequel
exerce la profession de cartographe.
Depuis le debut de ce xve siecle, le monde s’ouvre.
Et le Portugal est le moteur principal de cette ouverture. La Renaissance
commence par des expeditions lointaines. Sous l’impulsion d’Henri le navigateur,
des caravelles partent chaque mois pour aller explorer les cotes de l’Afrique. A
Lisbonne, capitale du savoir, se retrouvent toutes les corporations de la
decouverte : mathematiciens savants du ciel, cosmographes, geographes,
constructeurs de bateaux et des outils de navigation… cartographes.
Huit annees durant, les deux freres vont travailler
ensemble et preparer le voyage auquel Christophe songe depuis l’adolescence :
c’est l’Entreprise des Indes, gagner Cipango (le Japon) et l’empire du Grand
Khan (la Chine). Mais au lieu de la route habituelle, celle de la soie, vers
l’est, on affrontera l’ocean, plein ouest.
En 1484, leur projet sera rejete par le Comite des Sages qui conseille le Roi
Jean II. C’est la raison pour laquelle Christophe ira tenter sa chance aupres
des monarques espagnols, Isabelle et Ferdinand.
Un maitre cartographe, un rhinoceros, un fabricant de veuves, une maitresse
d’ecole pour les oiseaux, une becassine, une prostituee reputee principalement
pour la qualite de ses oreilles, Marco Polo, quelques Dominicains, des chiens
devoreurs d’Indiens, tels sont quelques-uns des personnages secondaires de ce
recit.
J’ai voulu m’attacher a
cette periode peu connue de l’histoire de la curiosite humaine. Ce moment ou
nait une nouvelle liberte en meme temps que se developpe l’Inquisition et que
les Juifs sont chasses. Ces annees ou se concoit peu a peu l’unite de la planete,
prealable a la premiere mondialisation, qui ne va plus tarder.
Pour ce faire, j’ai ose donner la parole au jeune frere, Bartolome. C’est lui
qui parle, c’est lui qui raconte : il est complice, et premier temoin de
l’Entreprise depuis ses tout debuts. C’est aussi lui qui s’interroge : pourquoi,
et comment, cette belle passion de la Decouverte s’est-elle changee en genocide
des Indiens ? A quoi sert de decouvrir si l’on tue ce et ceux que l’on decouvre
? ?
Erik Orsenna
Erik Orsenna, de l’Academie
francaise, a obtenu le prix Goncourt pour
L’Exposition coloniale (Seuil, 1988). Il est
l’auteur de Longtemps (Fayard,
1998), La grammaire est une chanson douce
(Stock, 2001), Madame Ba
(Stock/Fayard, 2003) et plus recemment de Voyage aux
pays du coton (Fayard, 2006),
La Chanson de Charles Quint
(Stock, 2008), L’avenir de l’eau
(Fayard, 2008) et de Princesse Histamine
(Stock, 2010).
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