L'Entreprise L'avenir bouche de l'Etat Providence. Une mise au point instructive. Au moment ou le debat politique est domine par les grands themes sociaux - chomage, retraites, exclusion - l'ouvrage de Pierre Rosanvallon apporte un eclairage utile. D'abord parce qu'il montre comment notre systeme de protection sociale (emploi, maladie, vieillesse) s'est peu a peu complexifie, par ajouts successifs, jusqu'a perdre son efficacite. Ensuite parce qu'il se refere largement aux experiences etrangeres en la matiere.
Pour cet universitaire, qui est par ailleurs secretaire general de la Fondation Saint-Simon, un club de reflexion aussi discret qu'influent, le declin de l'Etat providence est ineluctable. Car la logique qui le sous-tend - celle d'une sorte d'assurance tous risques basee sur les contributions des actifs - est mise en echec.
Difficultes economiques et multiplication des nouvelles formes d'insecurite font que l'Etat providence, organise pour faire face aux problemes de groupes sociaux homogenes, doit desormais prendre en charge des individus places dans des situations de plus en plus imprevues. Ces problemes ne pourront etre resolus que par l'abandon de la logique assurancielle et par une intervention directe de l'Etat. Mais de quelle maniere? Pour s'en tenir au domaine de l'emploi, en faisant en sorte que tous les efforts soient concentres sur une politique d'insertion. Le RMI pourrait jouer en partie ce role a condition que les beneficiaires se sentent lies par une contrepartie: leur engagement personnel dans une demarche d'insertion.
Pierre Rosanvallon nous met surtout en garde contre une tentation tres perceptible actuellement, celle qui consiste a salarier l'exclusion. Si le chomage et l'exclusion doivent necessairement donner lieu a des aides venant de la collectivite, l'automaticite et la banalisation de l'indemnisation ne peuvent qu'aggraver le mal que l'on est cense combattre. --Remy Arnaud--
Futuribles Selon Pierre Rosanvallon les fondements de l'Etat providence ont ete mines en France, des le debut des annees 70, par la derive des prelevements obligatoires, le declin du modele socialiste. Et, plus profondement encore aujourd'hui, par une crise de legitimite (declin des valeurs de solidarite), ainsi qu'une remise en cause de la logique de l'assurance (mutualisation des risques sous voile d'ignorance).
Ce livre propose une rediscussion d'ensemble de la question sociale, et ce, au travers des deux grandes parties intitulees : refonder la solidarite et repenser les droits. En fait, selon l'auteur, la France n'a pas encore clairement pris conscience de l'entree dans cette crise philosophique qui accompagne l'avenement d'une nouvelle question sociale. Il faut en explorer les termes pour comprendre le nouveau paysage social qu'elle dessine en creux. Cette problematique d'une nouvelle question sociale touche actuellement la plupart des pays industriels, meme si c'est a chaque fois avec une tonalite differente. Neanmoins, nous dit Pierre Rosanvallon, la crise philosophique de l'Etat providence presente dans tous les cas des traits communs. Elle marque partout une inflexion decisive dans la perception du social qui a prevalu pendant pres d'un siecle. Au-dela des difficultes financieres et gestionnaires, elle correspond en effet en profondeur a l'entree dans un nouveau moment de la modernite.
Le veritable defi pose a l'Etat est donc de recreer une nouvelle cohesion sociale par l'adoption d'un systeme de depenses non plus passives mais actives, qui retablit une obligation "positive". Pour Pierre Rosanvallon, "l'avenir de l'Etat providence n'est pas trace d'avance. Il se confond pour une large part avec celui de la vie democratique". Ainsi, ses problemes se regleront davantage sur le terrain politique qu'a travers une reforme de l'administration. --Futuribles--
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